Que restera t'il lorsque l'oubli, sur la matière de nos vies, aura accompli son travail d'anéantissement ?
De chaque existence subsisteront simplement quelques souvenirs et pour tous, identique, le même merveilleux malheur d'aimer, le sentiment immense d'être malgré tout vivant, la somme des quelques instants où se tient et s'efface toute la succession des jours.
"L’échec est rupture, perte provisoire d’une image de soi, il est douleur pour soi et bien souvent pour les autres. Il faut alors avant tout espérer être aimé et respecté en ces heures. Mais il n’est pas la fin du monde ; y compris quand il semble surtout me laminer. D’où l’importance du temps et du temps accompagné, soutenu avec pudeur et soin.
A ces conditions, il peut permettre de quitter les illusions d’une construction trop imaginaire, idéalisée pour consentir à nos limites et donc à nos possibles.
Pour aussi mieux appréhender les contextes où nous sommes empêtrés mais à partir desquels un mouvement est pourtant réalisable. Il peut offrir une possibilité d’apprendre et de vivre plus ajusté, de nous interroger sur nos responsabilités.
Que puis-je supporter ? De quoi dois-je me libérer pour mieux vivre ? Comment combattre ce qui me fait mal ? Comment dénouer peu à peu les nœuds qui participent à mes échecs ? Quel est mon désir ?
Il n’y a pas d’existence sans mutations, sans transformations. Elles peuvent sembler me mettre en péril, mais elles sont la chance de rester vivant, sensible au souffle toujours neuf.
Aucune croissance, aucune ouverture ne peut se réaliser sans ce moment d’incertitude où nous ne savons pas encore si le changement sera heureux, s’il viendra assurer ou non la continuité d’un projet d’existence dans des recommencements.
Pour chacun, la constance du subsister passe par des heures où nous acceptons de nous perdre pour espérer nous trouver dans une fidélité vivante.
L’aventure humaine est dans cette création risquée.
L’échec est la marque du caractère provisoire d’une vie d’homme où la grandeur est de s’aventurer. `
Non sans quelques bagages intérieurs, non sans amis, non sans appuis suffisamment fiables pour étayer le nécessaire changement. Mais avec cette marque de l’incertitude qui fait le risque mais aussi, ô combien, la grandeur – à la hauteur de chacun – du voyageur.
Ce qui fonde l'humain, le parti pris de la fragilité...personne ne le dit aussi bien que la tonique et réellement subversive et obsédée Véronique Margron
Et aprés hier soir et la fabuleuse Véronique Margron
Extrait (1) de ses mots :
(...)
"Ce n'est jamais simple d'accepter une question sans réponse.
Or parfois on préfère une mauvaise réponse plutôt qu'une question sans réponse.
Or, seule la question est toujours juste.
La seule bonne manière de répondre parfois est de ne pas donner de réponse."
(...)
21 février 2011
"Le songe est une autre manière de vie et la part de rêve que peut accepter l’esprit est grande. Angelo n’avais pas plus l’expérience du rêve que celle de l’amour : il fut balayé par le songe amoureux. La pensée d’Esther ne le quittait pas. Il habitait en rêve une terre qui n’existait pas, du moins qui n’était pas pour lui, et cette terre s’appelait Esther. Il se couchait pour rêver tranquille. (…)
Il connaissait chacun des instants où ils s’étaient parlé. Il avait repris et ressassé chaque mot. Rien n’avait pu se perdre (mais tout s’était usé). Sa mémoire était méticuleuse. Et il s’était lové dans cet amour en forme de néant qui avait pris en lui comme une graine, ivre des promesses qu’elle portait sur elle sans le savoir, avec la grâce des innocentes ; de cela il ne disait rien à personne. (…) Mais Angelo surestimait le rêve. Il fut malheureux."
1943. Etty Hillesum a vingt-sept ans, elle est juive. Elle a été internée au camp de Westerbork en Hollande, elle sait que ses jours sont comptés. Autour d’elle, ses compagnones et ses compagnons meurent les uns après les autres. Elle assiste à des départs d’enfants vers les chambres à gaz. Elle a l’impression de revivre le massacre des Innocents. Pourtant, elle ne désespère pas et, dans son Journal, elle écrit : « La vie est belle. Je dirai que la vie est belle »
1942. Jacques Decour, un militant communiste, va être fusillé au mont Valérien. La nuit précédant son exécution, il écrit une dernière lettre à sa famille : « Maintenant que nous nous préparons à mourir les uns avec les autres, on songe à ce qui doit venir. C’est bien le moment de nous souvenir de l’amour. Avons-nous assez aimé ? Avons-nous passé plusieurs heures par jour à nous émerveiller des autres hommes et femmes, à être heureux ensemble, à sentir le poids du contact, le poids et la valeur des mains, des yeux, du corps ? »
Etty Hillesum, Une vie bouleversée.
Jacques Decour, lettre citée par Marie de Hennezel,
Sur le pont qui relie Gennes-Les Rosiers. 10 Fevrier. 8h15
"Je travaille et je vois, après. Je travaille sans voir - je vois parce que je travaille. Je travaille. À force, je vois un peu, parfois. Il ne faut pas en demander trop. Aspect extrêmement lent. Labour. Je laboure et vois après ce qui a été retourné - terre, ciel, morts, vifs, mots... Labeur. Je retourne toujours les mêmes mots ou peu s'en faut, comme si j'avais besoin d'aller au bout de ça, comme si je pouvais en finir. Je pose le mot ciel, le mot sang : je le pose là, je l'aligne et le laisse posé jusqu'à ce qu'il se défasse, pourrisse, poudroie et ne laisse rien que cendre, poussière, sable de ciel et de sang. D'où le travail."
Moment de captations qui raconte encore le pourquoi de la photo et pour répondre à Yann :
Photographier.
Photographier, pour répondre au besoin que j'en ai.
Photographier pour apprendre à photographier. Apprendre à parler.
Photographier pour ne pas avoir peur.
Photographier pour ne pas vivre dans l'ignorance.
Photographier pour panser des blessures. Ne pas rester prisonnier des fractures.
Photographier pour parcourir,
Photographier pour déraciner la haine de soi.
Photographier pour dégager des entraves.
Photographier pour déterrer ma voix.
Photographier pour clarifier, mettre en ordre, unifier.
Photographier pour épurer mon oeil de ce qui conditionnait sa vision.
Photographier pour conquérir ce qui m'a été donné.
Photographier pour susciter cette mutation qui fera naître une seconde fois.
Photographier pour tenter de voir plus loin que mon regard ne porte.
Photographier pour m'employer à devenir meilleur que je ne suis.
Photographier pour faire droit à l'instance morale qui m'habite.
Photographier pour retrouver - par delà la lucidité conquise - une naïveté, une spontanéité, une transparence.
Photographier pour affiner et aiguiser les perceptions.
Photographier pour savourer ce qui m'est offert. Pour tirer le suc.
Photographier pour agrandir l'espace intérieur. M'y mouvoir avec toujours plus de liberté.
Photographier pour produire la lumière dont j'ai besoin.
Photographier pour inventer, créer, faire exister.
Photographier pour soustraire des instants de vie à l'érosion du temps.
Photographier pour devenir plus fluide. Pour apprendre à mourir au terme de chaque instant. Pour faire que la mort devienne une compagne de chaque jour.
Photographier pour donner sens.
Photographier, pour servir l'autre.
Photographier pour affirmer certaines valeurs face aux égarements d'une société malade.
Photographier pour être moins seul. Pour parler à mon semblable. Pour chercher les mots susceptibles de le rejoindre en sa part la plus intime
Photographier pour mieux vivre. Mieux participer à la vie. Apprendre à mieux aimer.
J'aime bien l'idée de regarder un peu en arrière...
(si tu veux savoir où aller, regardes d'où tu viens)
du côté des portraits cette fois (et des rencontres surtout)
Reprendre une petite sélection (difficile à faire car à la revoyure, je découvre qu'il y en a eu des beaux moments partagés avec des vrais gens), une petite sélection de quelques-uns de ces visages rencontrées le temps d'une captation et davantage.
Histoire de pêle-mêle...
tout petit vrac rétrospectif...
histoire de (se) re-voir
Avant la publication la semaine prochaine...
des tirages d'un autre visage (?!) d'une nuit musicale précieuse à Vendôme (que restera-t'il lorsque l'oubli sur la matière de nos vies...)
" Premier abord Homme à la mer Hommage amer Un chat viré Par dessus bord
Désert, des grands airs Doute entier, doute entier Auquel peuvent s'ajouter Des oiseaux mazoutés
J'ai douté des détails, jamais du don des nues J'ai douté des détails, jamais du don des nues
Des corps, des esprits me reviennent Des décors, des scènes, des arènes Hantez, hantez, faites comme chez vous, restez
Si tout devient opaque Ma reine, ma reine J'ai bien aimé ta paire de claques Et surtout ton dernier baiser
Des visages, des figures Dévisagent, défigurent Des figurants à effacer des faces A, des faces B
J'ai douté des détails, jamais du don des nues J'ai douté des détails, jamais du don des nues "
Noir désir. Février 2001.
...Des corps, des esprits me reviennent Des décors, des scènes, des arènes Hantez, hantez, faites comme chez vous, restez
Si tout devient opaque Ma reine, ma reine J'ai bien aimé ta paire de claques Et surtout ton dernier baiser
"Notre devoir le plus impérieux est peut-être de ne jamais lâcher le fil de la Merveille. grâce à lui, je sortirai vivante du plus sombre des labyrinthes". (Christiane Singer)
"il est facile de douter. Plus facile que de croire au sens d'avoir la foi. Il faut lutter pour avoir la foi. Il faut avoir une âme de résistant.
Nul besoin de lutter pour douter, il suffit de dire non.
Ce qui n'est pas difficile. Le non est partout. Comme la morosité. L'enfant capricieux découvre vite le pouvoir que donne le non et il en abuse souvent. rien n'est assez bon pour le contenter. Le non fait monter les enchères. Celà donne tort à Alain qui écrit que "penser, c'est dire non", les esprits faibles disant oui. C'est l'inverse qui est vrai.
Penser, c'est dire oui. Les grincheux disent non. Ces derniers tiennent le monde. Ils sont comme les enfants capricieux. Force du doute. Force du moi souverain. Force du moi hautain surplombant otu. kennedy disait : "Ne te demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande toi ce que tu peux faire pour ton pays". Le moi hautain dit l'inverse : "n ete demande pas ce que tu peux faire pour les autres, demande-toi ce que les autres peuvent faire pour toi".
On met le monde à genoux en procédant ainsi. Il y a une jouissance à chuter, à sombrer, à se perdre dans une situation sans issue. En s'abîmant, en se dégradant, on jouit d'une forme de toute puisssance. On fait de soi une ruine. Il s'agit là d'une auto-création à l'envers. C'est ce qui fascine certain dans le suicide. Le désespoir attire comme la tristesse. Il confère un pouvoir immédiat. On paralyse la création. On tient tête à Dieu. (?..)
Qui ne veut pas grandir en assumant sa solitude créatrice finit par trouver refuge dans le désespoir du nihilisme. En se créant un monde de cauchemar, il se donne toutes les bonnes raisons de ne pas grandir. (...)
in Retour à l'émerveillement. Bertrand Vergely. Novembre 2010